Les miasmes de la mante religieuse

 

Dimanche matin, onze heures. Je patiente à la boulangerie et il y a foule. J’ignore ce qui se passe en caisse mais l’attente est longue. Derrière moi, je sens quelqu’un qui me pousse et qui écrase littéralement mon sac à dos. Je sens son souffle chaud dans mon dos. Son haleine putride me file la nausée. Impossible d’avancer ni même de bouger. De surcroît, ça tousse fort sur mon épaule, ça renifle et ça renâcle bruyamment. C’est dégoûtant.

 

Je me tourne sur une petite grand-mère aux cheveux gras et mal coiffés. Elle s’agrippe à une croix de bois accrochée autour de son cou. Ses vêtements sont fripés, tâchés et elle sent l’humidité. On dirait un insecte centenaire qui revient d’une attaque à l’aérosol. Derrière elle, une jeune femme recule d’un pas. Pas folle, la guêpe.

Ces petits moments de solitude

 

J’avance un peu, mais je n’ai pas beaucoup d’amplitude et la mante religieuse m’emboite le pas. Rapidement, je suis coincée. Je tente aimablement une stratégie minable « Passez devant moi, Madame, je vous en prie… ». Elle s’indigne « Oh, mais je tiens encore debout vous savez, je ne suis pas si vieille ! ». Échec. Comment lui dire que j’ai peur d’attraper ses microbes, ses puces et tout ce que je ne connais pas ? En outre, nos deux tignasses sont si proches que ça m’angoisse. Et plus j’y pense, plus ça me gratte. C’est psychologique.

 

D’ailleurs, j’essaie rapidement autre chose. Je lui tends un mouchoir en papier qu’elle refuse « J’ai ce qu’il faut, merci » me crache-t-elle. D’une main crasseuse aux ongles noirs, elle agite un mouchoir immonde en tissu qui doit avoir son âge et qui, d’après son état, marine dans sa poche depuis toujours. Craignant une conjonctivite, je protège mes yeux derrière mes mains.

 

Elle tousse fort juste devant mon visage, une toux profonde et grasse. On dirait une toupie. J’ai peur qu’elle s’écroule. Elle bascule d’un pied sur l’autre, d’avant en arrière. J’en arrive à me demander si ce n’est pas un stratagème pour se faire remarquer et trouver de nouvelles copines.

 

Acculée et agacée, la jeune femme qui attend derrière elle prend ses distances et finit par perdre son sang-froid « S’il vous plait, Madame, ne vous approchez pas de moi, allez cracher vos miasmes plus loin ! ».

Vade retro, picornaviridae !

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